Collection Homme: "Garde-robe 1" Olivier Borde a étudié à l'Esma de Montpellier. Il vit et travaille à Paris où il a fait ses armes, entre autres, auprès de Charles Anastase. Pour Hyères, il nous propose sa vision d'un exercice périlleux : réinventer les grands classiques de la garde-robe masculine. Il réajuste les volumes et les longueurs, oppose les matières souples aux rigides, les longs et les courts, les étroits et les larges. Ces disproportions de la silhouette créent des effets anamorphiques. Il mélange tissus vintage, finitions à la main et détails démodés, dans une tradition artisanale et poétique du vêtement. S'il féminise quelque peu la silhouette, notamment par de précieux accessoires, il se défend de la travestir. Borde imagine sa collection portée par un homme resté un adolescent révolté qui puise son côté sombre et mélancolique dans les tableaux de Francisco Goya et emprunte son aspect romantique et rebelle au Tadzio de Mort à Venise. oborde@gmail.com Chitsantisook | Thaïlande | Collection Femme : "Never Ending Story" Né en Thaïlande, Titipon Chitsantisook vit depuis deux ans à Paris où il a suivi un cursus à l'institut Marangoni. Il base son travail sur une constatation : la façon dont nous nous vêtons ne reflète plus forcément notre appartenance à un rang social, une ethnie, une profession ou une identité sexuelle. Ce brouillage des paradigmes implique que nous pouvons créer notre propre style, en dehors de tout archétype, combinaison d'expériences diverses, expression de nos intérêts culturels ou de nos désirs. Cet état de « confusion libératrice » est une source d'inspiration importante pour Chitsantisook. Il y voit l'occasion de créer de nouvelles configurations stylistiques et poétiques. Comme pour passer inaperçues ou se protéger, ses silhouettes uniformément noires empruntent quelques éléments aux modes urbaines. Mais, sous cette allure modeste, le mouvement révèle un travail sophistiqué de plissés, de découpes ou d'inclusions qui rythment les matières. Le vêtement semble vivant, parcouru de flux et d'énergie, prêt à nous accompagner dans de futures transformations. boundforbangkok@hotmail.com Matthew Cunnington | Grande-Bretagne | Collection Femme : “Hail Mary” Matthew Cunnington est diplômé de l'université de Westminster. Il s'inspire de l'histoire de sa propre mère qui, en 1969, est contrainte d'abandonner sa fille illégitime, sous la pression sociale qu'elle subit alors. Elles ne se retrouveront que trente ans plus tard. La collection, qui se place sous le signe de cette réconciliation, se décrypte sur un mode plus symbolique que narratif. Un drapé serré « contient l'émotion à l'intérieur ». Un tissu brûlé à l'acide évoque la « fragilité de cette histoire poignante ». Une poche laissée visible sur un manteau signifie « qu'il n'y a plus rien à cacher ». Les épaules sont soulignées pour dépeindre l'inquiétude et la culpabilité portées pendant si longtemps. Des détails insignifiants prennent soudain une importance démesurée, comme les énormes boutons cousus sur le devant d'une robe. Délicate et intimiste, la collection de Matthew Cunnington nous convie à une plongée dans la mémoire et les sentiments d'une femme. matthewcunnington@fsmail.net Titi Kwan | France | Collection Femme Titi Kwan, originaire de Hongkong, vit depuis vingt-cinq ans à Paris, où il a étudié au Studio Berçot. Il a mis trois ans à élaborer sa collection, en s'efforçant d'inventer ses propres codes et de rejeter les influences trop évidentes. Seule exception : Madeleine Vionnet, irremplaçable figure tutélaire en matière de précision et de finitions. Le travail se fait sur le buste de couturière, directement, sans passer par une phase de dessin (le patronage est tracé par la suite). Au très sérieux travail sur le droit-fil et le biais, Titi Kwan a ajouté la fantaisie d'une passion d'enfance : le pliage. De fait, l'architecture, la géométrie, la physique ou l'anatomie sont autant de sources d'inspiration pour une collection conçue pour le mouvement. Le confort corporel importe alors autant que le rythme de la construction. Le styliste ne se lasse pas d'imaginer des détails surprenants, de transformer les proportions, d'associer les couleurs et les matières… Titi Kwan tourbillonne, ébouriffe et charme. titikwan@hotmail.com Miriam Lehle | Allemagne | Collection Femme : “Golden Decay” Miriam Lehle a reçu son diplôme de l'université de Pforzheim en 2007. Sa collection se base sur une expérimentation textile très particulière : elle brûle délicatement des tissus qui contiennent des fibres synthétiques. Gondolée, floquée, l'étoffe présente ainsi d'étranges surfaces façonnées. Quelques images des ruines d'un château incendié il y a longtemps, quelque part en Belgique, lui ont suggéré cette recherche. Lichens et champignons envahissent les pans de murs ravinés, mais l'atmosphère raffinée du passé reste toujours perceptible. Miriam Lehle a conçu des vêtements en équilibre entre la beauté et le désastre. S'ils semblent se décomposer, c'est d'une façon délicate, décorative, voire avec un côté « glamour ». La forme de la pièce est toujours conçue en fonction de la matière obtenue par le feu, mais conserve ergonomie et confort. Réunissant poésie et efficacité, la styliste développe une esthétique originale, à la fois précieuse et violente. miriamlehle@web.de Jean-Paul Lespagnard | Belgique | Collection Femme : “Ich will’nen cowboys als mann” Jean-Paul Lespagnard adore son pays, la Belgique, le royaume de la pomme frite. Il insiste pour faire remarquer qu'il travaille aussi bien à Bruxelles qu'à Anvers, ou encore Liège où il a étudié à l'IFPME. Pour sa collection, il imagine un personnage haut en couleurs, Jacqueline, qui tient un « fritkot » réputé, ses admirateurs venant de loin pour goûter les petits bâtons croustillants. Jacqueline a deux passions dans la vie : la kitschissime chanteuse allemande Gitte et un sérieux penchant pour le Texas ; tout particulièrement pour les clowns de rodéos - ceux qui sont chargés de faire diversion quand le cow-boy mord la poussière. Sa garde-robe est à l'image de ses passions : Jean-Paul Lespagnard mélange les rayures du clown, les pantalons de cow-boys, les chemises de Texans avec une grosse louche de fantaisie 100 % belge. Les tissus imprimés « tipi » sont découpés dans des tentes pour enfants, les volumes sont volontiers extravagants, les bracelets en forme de frites. Derrière son comptoir, Jacqueline est fin prête pour le jour où un homme en santiags l'enlèvera à sa baraque. ilovejp1@mac.com Lucia Sanchez | Argentine | Collection Femme : "Tradiciones recicladas" Lucia Sanchez, élève de la St Martins School, vit depuis cinq ans en Europe et fait de nombreux allers-retours vers son Argentine natale. Devant la difficulté de trouver ses repères identitaires ou affectifs, elle a tenté, avec sa collection, de tisser de fragiles passerelles entre ces deux univers, aux antipodes l'un de l'autre. Passant beaucoup de temps dans les avions, elle est contrainte, par les nouvelles règles de sécurité, de ranger ses affaires dans des sacs plastique. Elle attribue alors à cette matière une certaine valeur affective et lui invente de nouvelles fonctions. Ainsi, elle s'amuse à reproduire des dentelles traditionnelles en plastique argenté. Cherchant à « recycler les traditions », les matériaux comme les savoir-faire, elle opère des déplacements sémantiques surprenants, à l'image de ces chaussures dont le talon haut est remplacé par une corne de taureau. Il y a du tempérament, de la générosité, du rythme et de la tendresse dans cette mode latine et moderne, fière et humoristique à la fois. lucia@luciasanchez.com Isabelle Steger | Autriche | Collection Mixte : " iTrue" Isabelle Steger est née en 1984, ce qui la prédestinait sûrement à citer George Orwell. Diplômée de l'Ecole des Arts appliqués de Vienne où elle a étudié auprès de Raf Simons et Veronique Branquinho, sa collection pourrait convenir aux personnages du romancier anglais. En effet, la créatrice veut questionner et déranger, en introduisant dans la mode des problématiques sociales. Elle crée, à partir des éléments de la garde-robe type d'un employé de bureau (complet, trench-coat), d'étranges uniformes qui révèlent les conséquences de notre société post-industrielle : précarité et aliénation, dictature du marché, travail dématérialisé, apparence monochrome. Elle modifie les proportions de ses vêtements qui grossissent et se géométrisent comme s'ils étaient dotés d'une vie propre. Leur taille surdimensionnée correspond à une recherche de confort, mais confère aussi, à la personne qui les porte, une silhouette puissante et inquiétante. Symbolisant aussi une possible révolte, Isabelle Steger interroge, mais n'apporte pas de réponse. Et ne veut pas en donner. isabellesteger@gmx.at Graham Tabor | États-Unis | Collection Homme Graham Tabor vit et travaille à New York, mais c'est à Paris, auprès de Sébastien Meunier, qu'il s'est perfectionné. Il compare volontiers sa collection à une excavation archéologique : les fragments sont éclatés et ne révèlent pas clairement leur origine. Translucides comme des calques, faits de mailles lacérées, ajourées ou perforées, les vêtements forment un jeu complexe de superpositions. Comme les interventions de l'artiste américain Gordon Matta-Clark, auquel Graham Tabor se réfère, ces découpages ne révèlent pas le corps qui est en dessous, mais, au contraire, altèrent sa perception, le déforment et en dévoilent des segments inattendus. Des coiffures organiques et sensuelles, mélange de cheveux et de matières textiles, prolongent la silhouette. Ces attributs confèrent à la tribu qui les porte l'allure d'étranges guerriers. L'homme de Tabor semble paré pour le rituel sacré qui verrait son retour à la vie après un long silence. graham@egamidesign.com Stella Valentic & Julie Kéchichian | France | Collection Femme Stella Valentic et Julie Kéchichian se sont rencontrées à Paris, sur les bancs du Studio Berçot, grâce à leur passion commune pour le hip-hop. Pour leur première collection, elles ont choisi de traduire l'aisance et la désinvolture propres à ce mouvement musical, sans pour autant lui emprunter son iconographie. Elles ont préféré aller chercher leur inspiration dans l'univers graphique du peuple Ndebele, qui vit entre l'Afrique du Sud et le Zimbabwe, célèbre pour ses maisons colorées et ses femmes girafes. Il n'est pas rare, d'ailleurs, de voir celles-ci se réapproprier des tee-shirts de marque pour les associer à leurs habits traditionnels, ou se chausser de baskets voyantes qu'elles redécorent. A partir de pièces basiques, volontairement « prêt-à-porter », Stella et Julie vagabondent, avec humour et tendresse, dans un univers de croisement culturel sophistiqué. L'imaginaire africain s'insinue au travers d'accessoires malins et drôles, issus d'un répertoire essentiellement européen. Le safari peut commencer. stella.valentic@gmail.com kokosch@hotmail.fr | | | | | | | | | |